Françoise Gürtner

Les Aventures de Mimosa

Une Chatonne au regard Magique

Comme un souffle de Mystère
Tome 3 (nov. 2018)
Magie et sentiments
Tome 2 (nov. 2014)
Une chatonne au regard magique
Tome 1 (nov. 2011)
"Une histoire dont se délecteront tous les coeurs sensibles, et ceux qui le deviendront..."

Les Livres

Mimosa Tome 3

CHF 20.- + frais de port

Après avoir enfin trouvé sa famille de cœur et réussi l’inconcevable en réconciliant les parents de Fleur-de-Lin, Mimosa nous entraîne à nouveau dans d’émouvantes péripéties. En compagnie de Mélisse, la magnifique chienne de berger dont le flair surpasse celui de tous les chiens de police, elle part à la recherche de Blanche et de Fleur-de-Lin, lesquelles ont eu la mauvaise idée de s’égarer dans la forêt des Orages et des Enchantements lors d’une balade à cheval entreprise à l’insu de leurs parents. Portée disparue depuis deux ans, La maman deBlanche, elle aussi bénéficiera du soutien de l’intrépide persane noire ; carla destinée d’Alizée d’Ombreval, en l’obligeant à franchir les barrières du temps, accomplira ce que cette jeune femme de caractère effacé et passéiste redoute le plus au monde : devenir totalement transparente et ne plus exister aux yeux d’autrui Pour sa part, et depuis que sa sœur a donné naissance à quatre adorables petites boules de poils, Mimosa nourrit le fol espoir de devenir mère à son tour. La jeune chatte finira par rencontrer l’amour au détour d’un bosquet de lilas en fleur, et, très surprise, donnera bientôt le jour au petit Mystère, un chaton dont la naissance, marquée par un apport insuffisant en oxygène, le rendra hélas handicapé. Les difficultés de l’adorable Mystère susciteront des réactions de méfiance, de l’agressivité et des moqueries ;parvenant difficilement à faire son deuil d’un chaton en bonne santé, Mimosa appellera donc son vieil ami Merlin à la rescousse. Entre temps le cousin de Fleur-de-Lin, que son père ne cesse de décevoir, navigue en eaux troubles et fréquente assidument les cimetières. Or contre toute attente, le handicap de Mystère lui permettra d’éloigner ses doutes et d’apaiser son esprit tourmenté en offrant de nouvelles perspectives à son existence. Sous son épaisse toison de couleurs ombre bat un cœur épris de justice, qui, outre son indépendance et sa fantaisie,s’attache à défendre le faible et l’opprimé, pourfend l’ostracisme, lutte contre l’aveuglement du pouvoir et stigmatise les préjugés. Le mot de la fin appartient donc à Mimosa, cette merveilleuse persane noire dont l’indulgence à l’égard du père de son chaton, une fois encore nous indique la voie de la clémence,de la sagesse et de la félicité.

Mimosa Tome 2

CHF 18.- + frais de port

Presque une année s’est écoulée depuis qu’elle a quitté sa contrée natale, mais une seule saison aura suffi à la belle persane noire pour tisser de solides liens avec sa nouvelle famille. Heureuse et choyée, Mimosa devra néanmoins se montrer très persuasive pour regagner une indépendance qu’elle refuse d’abdiquer. Son audace, dès lors, ainsi que son courage et sa persévérance, lui permettront de revoir ses frères et soeur dans des circonstances pour le moins surprenantes. Qui plus est, la jeune chatte, outre diverses missions d’assistance, se fera fort de porter secours au papa de Fleur-de-Lin, gravement touché par la maladie. Les soeurs Deschamps et Dujardin, elles, continuent de s’entredéchirer sous le regard excédé de leur mère tandis que les parents de la fillette, éloignés par de nouveaux malentendus, poursuivent leur partie de cache-cache et peinent à se retrouver. Fourmillant d’idées, de fantaisie et de rebondissements, la suite des Aventures de Mimosa nous emmène au sein d’un hôpital, dans les cuisines d’un établissement de convalescence ou encore dans les murs d’une société oeuvrant pour la protection animale ; elle nous promène aussi dans les jardins de Carcamande, à la campagne, au coeur de la forêt des Orages et des Enchantements, dans la garrigue, et même en bord de mer, entre calanques et sables d’or. Tout en laissant libre cours à l’imagination, cet ouvrage aborde cependant des sujets offrant de nombreuses pistes de réflexion sur des questions essentielles. Des questions auxquelles le lecteur, quel que soit son âge, sera en mesure d’apporter les réponses qui lui agréent. Familles recomposées, problèmes de couples, conflits de loyauté, abus de pouvoir, difficultés scolaires, santé, solidarité, protection des animaux, sauvegarde de l’environnement et gestion des ressources naturelles… rythment de fait cet ouvrage envoûtant qui s’articule autour d’une écriture riche et dense. Le débat est ouvert, la magie, le plaisir et l’émotion sont au rendez-vous.

Mimosa Tome 1

CHF 18.- + frais de port

Cette histoire relate les destins croisés de Mimosa et de Fleur-de-Lin : la première est une chatonne aux yeux d’or, gaie et entreprenante, la seconde une enfant vivant seule avec sa mère, une avocate autoritaire qui lui voue un amour exclusif et envahissant. Mimosa, à peine sevrée, se voit contrainte de quitter la maison qui l’a vue naître ; toute de courage et de volonté, elle entreprend alors un long voyage à la recherche de son nouveau foyer. Émaillé de rencontres avec des personnages souvent malmenés par l’existence, son périple la conduira au coeur d’une forêt enchantée symbolisant la perte de ses repères, où sa gentillesse et son bon caractère seront récompensés par un don des fées. Elle y sera également la proie d’une créature malfaisante mais trouvera de l’aide auprès de Merlin, un vieux chat sage et tigré. En lui permettant de verbaliser ses souffrances et de faire le jour sur ses peurs et ses rêves les plus secrets, ce médecin lui ouvrira finalement les portes d’un avenir bien différent de celui qu’elle s’était imaginé. Les aventures de Mimosa s’achèveront le soir de Noël, sous le sapin que la maman de Fleur-de-Lin a dressé dans son luxueux séjour pour éblouir ses hôtes…
Commander

Passages et Extraits 

Extraits Tome 1

Une enfance heureuse

     – Oh ! Je crois bien que c'est le plus mignon de tous ! s'exclama-t-elle en se penchant tendrement dans le halo safrané que découpait l'abat-jour de sa vieille lampe.

Au cœur d'une maisonnette coiffée d'étoiles et de roses, à l'orée d'un silence élargi par le chant des grillons, venait de naître un chaton doux comme une peluche. Son papa lui avait transmis une fourrure aussi dense et ténébreuse que la nuit, et de sa maman, la jeune chatte avait hérité une voix fauve et profonde qui très tôt se chargea d'exprimer la nature enjouée de son caractère. Dix jours après sa naissance, elle ouvrit ses jolis yeux d'un bleu de campanule que la lumière de juin saupoudra peu à peu d'étonnants reflets d'or; on aurait dit deux boules de mimosa piquées dans le profond mystère de sa toison.

                                                                                             Ainsi fut prénommé ce bébé que nimbait un parfum de soleil;
                                                                                             Et à vrai dire, ce petit nom de fleur lui seyait à merveille !

Mimosa, dont les frères et sœur arboraient un moins sombre pelage, s'en distinguait aussi par la longueur de sa robe, l'éclat de son regard, mais surtout par la force de son caractère. Elle était la plus adorable, la plus espiègle et la plus affectueuse petite boule de poils qu'on eût jamais vue

Le goût du luxe

Curieuse, elle enfile ce portillon entrebâillé sur sept ravissantes marches noyées dans la verdure, ceinturées de mystérieux bambous, qui la conduisent vers les charmes et la sérénité d'un paysage extrême-oriental. Ici les eaux vertes d'un étang caressent le reflet altier de trois cygnes dérivant sous un élégant pont de bois vermeil; là d'énormes poissons rouges, orange ou bicolores, se déplacent à la fleur de l'onde par bancs entiers. « Comme c'est beau ! » se dit Mimosa en balayant le paysage de son regard doré. « Je me demande qui habite dans cette propriété, espérons que ce sont des personnes accueillantes parce que je commence à me sentir bien fatiguée. Si je connaissais le langage des cygnes, je pourrais leur poser la question. Enfin, on verra bien… ». Là-dessus, elle s'engage sur un chemin fait de grosses pierres arrondies qui serpente au travers d'une étendue de sable blanc. Tout alentour se dressent des cyprès bleus taillés en nuage, des amélanchiers à l'écorce d'argent, des bouquets d'érables écarlates. Et de bosquets en bosquets, tel un souffle céleste, s'avance une brise qui cueille aux carillons suspendus dans les branches un bouquet de sons cristallins.
Cette végétation sophistiquée annonçait une demeure de maître où Madame Richtaud, affalée sur une chaise longue, enduisait son corps de crème solaire. Quant à Monsieur Richtaud, figurez-vous qu'il ronflait, bouche grande ouverte, dans un hamac d'où pendaient ses jambes poilues et ses pieds de pachyderme.
    – Ricky ! réveille-toi, regarde il y a un adorable chaton noir avec des poils angora ! s'écrie Madame Richtaud, l'ongle manucuré de son index pointé sur Mimosa.
    – Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? ronchonne le mari en se redressant avec difficulté.
    – Vite, regarde le petit persan noir ! il pourrait remplacer notre siamoise qui a disparu l'année passée, qu'en penses-tu !?


La forêt des Orages et des Enchantements

Ce fut donc à l'automne que Mimosa, émerveillée, parvint à l'orée d'une forêt brodée d'ambre et de pourpre, où l'ocre des fougères semblait une haie d'honneur sous le blond cliquetis des trembles. La jeune chatte n'avait encore jamais vu d'arbres si majestueux, de forêt aussi dense ni de clairières aussi charmantes. Plumes d'or et de lumière, les feuilles voltigeaient avec nonchalance, zigzaguant jusqu'au sol qu'elles avaient recouvert d'un tapis jaune et moelleux. Au pied de cette haute futaie poussaient des champignons lisses ou pelucheux, de la taille d'une citrouille, près desquels se réfugiaient lutins et farfadets lorsqu'ils étaient surpris par un violent orage; recroquevillés sous l'ombrelle d’une russule ou d’un accueillant bolet, ils se bouchaient alors les oreilles pour ne plus entendre la mélopée du vent ruisselant le long des épicéas géants. Mais les plus malins d'entre eux s'abritaient au-dessous de généreux lactaires dont ils suçotaient le lait blanchâtre en espérant une accalmie.

Creusée au cœur
d’un taillis d’épineux, une mystérieuse musse s’était offerte à Mimosa, qui, sans le savoir, avait ainsi pénétré dans la forêt des Orages et des Enchantements. Après quelques minutes, et par le plus renversant des hasards, elle fit la rencontre inopinée de la reine et du roi des gnomes, assis dans leur carrosse que tirait un attelage de rapides colimaçons mauves… 

Au gré de sa tournée, le singulier équipage traversa bien d'autres clairières : l'une d'entre elles, que d'aveuglants éclats métalliques révélaient de loin, éblouissait le passant par son feuillage d'or jaune, d'or rose et d'or blanc. De menus champignons chapeautés de brun, dotés d'un œil unique, s'y déployaient en cercles concentriques.
    – Tu vois Mimosa, expliqua la reine des gnomes, tous ces champignons sont des voyageurs qui ont été métamorphosés pour avoir voulu dépouiller la clairière de ses richesses. Ils sont maintenant condamnés à contempler ce qu'ils ont tant convoité !
    – Miaaou ?! fit Mimosa, impressionnée par cette sorcellerie.
« Eh bien, se dit-elle, on ne badine pas avec les punitions ici ! »…

En l'honneur de Mimosa, les trois fils et les trois filles du couple royal avaient rapidement dressé la longue table vermoulue où ne tardèrent pas à se succéder, servis dans des coupelles en bois de rose, les mets végétariens les plus raffinés. Velouté de cynorrhodon, minuscules pâtés de châtaignes et de faines sur lit d'airelles sauvages, canapés à la fleur de bourrache et beurre de mélilot rivalisaient de délicatesse avec des soufflés à l’œuf de coucou
crépu, des chanterelles au basilic, des bolets parfumés à la feuille de monarde, sans oublier les affriolantes boulettes de sésame qui barbotaient dans une sauce au géranium odorant.
    – Tiens Mimosa, goûte cette boisson ! je suis sûre que ça va te plaire, proposa la reine en lui tendant une soucoupe de lait de chevrache, race naine et rustique qu'un heureux croisement entre une chèvre, une vache et une fleur de pistachier avait habillée d'une robe étonnante, toute de poils et de pétales.
Le lait qu'offraient les chevraches était singulièrement aromatique et faisait partie de la pharmacopée des gnomes, qui l'utilisaient pour soigner les refroidissements…

Mimosa en proie avec un schmoll

Pour agile et intelligente qu’elle fût, l'intrépide petite Mimosa n'en sous-estimait guère moins le danger; à tel point qu'une coquecigrue dut un jour voler à son secours lorsque le vertige la garda prisonnière des hautes branches d'un vieux bouleau. Ce fut donc en novembre, dans les pans de brume qui rampaient au fond d'un val perdu, que la chose arriva. Mimosa, un peu trop sûre de soi, s'y promenait seulette et fut surprise par la brièveté du crépuscule. Comme cernés par le vide, les fourrés alentour lui paraissaient irréels, poisseux, fantomatiques; et des branches dénudées où s'obstinaient quelques dernières feuilles rabougries, elle entendait s'égoutter une tristesse humide. De toutes parts s'insinuait de la grisaille ; et le corps de la pauvrette, tout habité par le doute et l'effroi, s'aplatissait frileusement contre le sol.
Issu d'une branche cousine de la famille des trolls, un schmoll bancroche au corps couvert de poils hirsutes et gras s'était coulé derrière un grand sapin… 

Seule dans la neige, l’hiver et le froid

La minette avait repris son bâton de pèlerin. Et sa longue marche, tantôt la conduisait au gré de sombres nues, qui muselaient la campagne sous de silencieuses gerbes blanches, tantôt la menait parmi d'étincelantes chevelures de givre, lorsque le beau soleil ensemençait les champs de diamants et faisait la neige bleue dans
l'ombre des bosquets… 

Après avoir ingurgité quelques détritus glanés près d'une poubelle, cherchant un abri de fortune, la petite chatte avise un vieux carton éventré, y coule ses yeux d'or, sa fatigue et son corps amaigri. « Que suis-je donc venue faire là ? » soupire-t-elle, en proie au découragement. « J'aurais mieux fait de rester chez Merlin, ou chez les Richtaud, ou même chez ce jeune rouquin mal élevé ! Ici je vais mourir de froid et de faim bien avant d’avoir trouvé le domicile d’Aladin ! »
C’est alors que l'immense nuit, profonde, inconfortable et glaciale, sans crier gare a replié son manteau noir et blanc sur ce petit brin de Mimosa, le plongeant dans un sommeil agité où il rêva de sa maman, de la vieille dame, de ses frères et sœur et de Merlin…

Rencontres

    – Attention, ça glisse ! cria Mme Deschamps en agrippant ses mains gantées de grosse laine à la barrière du perron gelé.
Au pied des marches enneigées, Fleur-de-Lin aperçut une misérable boule
noire qui miaulait faiblement.
    – Oh ! maman, regarde le pauvre petit chat, il a sûrement froid ! J'aimerais bien le prendre à la maison !
    – Il n'en est pas question, riposta sa mère, cet animal salirait tout et te rendrait encore malade !


Au numéro neuf de l'Impasse des Passions

Quelle aubaine pour Mimosa ! Filant entre les jambes du concierge sans qu'il s'en aperçût, elle en profita pour se hasarder à l'intérieur. L'entrée, bien entretenue, offrait au regard un escalier tournant au pied duquel s'élançait un superbe sapin blanc. A la manière d'un maître de maison ouvrant largement les bras pour accueillir ses hôtes, le résineux tendait ses branches où luisaient, délicatement irisées, de fines boules en verre soufflé semblables à d’énormes bulles de savon. Piquées ça et là, d’autres boules aux tons incarnats mettaient un peu de gaîté à sa toilette, une dernière coquetterie étirant sa flèche de même couleur jusqu'au plafond.
    – Oh ! beau sapin ! Tu me rappelles la forêt des Orages ! Est-ce de là que tu viens ?
    – Bien sûr que non, petit chat, tu n'y songes pas ! …

  Encore toute grelottante, Mimosa bavardait avec le conifère lorsque…
    – Mais M'sieur Nimbus, faut atterrir ! Z'allez quand même pas laver vot' linge aujourd'hui, c'est pas vot' jour !
L'aigre voix de Madame Poutzon, une femme acerbe et chicanière qui traquait poussières et cancans depuis quelque trente ans, la fit sursauter. Se disant que sa présence risquait d’être importune, la jeune chatte préféra s'esquiver. Lasse et courbatue, le poil en bataille, elle gravit l'escalier sans entrain; et comme elle n'avait quasiment rien mangé depuis plusieurs jours, la pauvrette vacillait sur ses pattes et sentait sa vue se brouiller à l'effort. Parvenue au faîte de la dernière volée de marches, raides à couper l'haleine et le pouls, Mimosa poussa le volet d'une chatière s'ouvrant sur un vaste grenier. Ce passage avait été aménagé pour Loukoum, dit le Vorace, qui, jusqu'au jour de sa mort, avait semé la terreur et décimé des dynasties de rongeurs…

... Clac ! fit le battant de la chatière en chassant un nuage de poussière. Et Mimosa se retrouva dans une pénombre bruissante où elle distinguait de furtifs trottinements. « C'est sûrement le nouveau chat des concierges ! » pouvait-on lire au fond des paires de petits yeux alarmés qui la dévisageaient...

Sous le sapin


    – Mon Dieu, Aneth, mais fais-le donc sortir ce chat ! lui intime brusquement sa sœur.
    – Non... non ! J'ai peur qu'il me griffe !
Exaspérée par ces hésitations, Mme Deschamps bondit sur l'indésirable félin qu'elle empoigne par la peau du cou. Se sentant soulevée, la chatonne entrouvre péniblement ses deux soleils semés d'étoiles et plante le feu de son regard dans celui de cette femme qui la porte. La mère de Fleur-de-Lin, profondément troublée, ne trouvant guère la force de se défendre contre le pouvoir magnétique de ces yeux innocents, repose précipitamment le petit corps poilu qu’elle tenait à bout de bras d’un air pincé

Françoise Gürtner - Les aventures de Mimosa Tome 1
Extraits Tome 2

Sur le chemin de l’école

Quand elle y eût été autorisée, Mimosa aurait volontiers accompagné Fleur-de-Lin sur les bancs de cette école dont elle entendait si fréquemment parler. Les chats, s’imagine-t-on, n’ont pas le désir de
s’instruire ! Mais cette étonnante boule de poils, qui fêtait aujourd’hui ses neuf mois d’existence, dissimulait sous sa toison un naturel curieux, une intelligence hors du commun et un appétit de connaissance passant toutes les frontières de son espèce. Elle aurait tant aimé apprendre à lire, à compter, à découvrir la géographie et l’histoire de son pays… ; mais elle avait beau faire étal de ses intentions, minaudant près de la sortie, se prélassant sur le cartable de Fleur-de-Lin, mère et fille n’y voyaient qu’espièglerie et quête de confort sur une matière somme toute assez agréable.

– Mimosa, allez ! descends de mon sac, je vais être en retard à l’école ! Je te prendrais bien avec moi mais tu sais, la maîtresse est si intolérante qu’elle me punirait et te chasserait immédiatement !
– Miaou, soupirait Mimosa, avant de diriger ses pas vers un lieu propice à la sieste, choisissant parfois le somptueux arbre à chat, tout de sisal, de niches et de couchettes, que l’on avait aménagé pour elle.


Les yeux vairons

  Madame Cunégonde Cactus avait un port de tête hautain, des pommettes saillantes et volontaires, un nez et des pieds grecs qui lui inspiraient des sentiments vivement contrastés : autant elle était fière de son appendice nasal lui faisant, trouvait-elle, un profil de statue, autant ses deux orteils, passant tous les autres et qu’elle dissimulait même en période de canicule, lui étaient un héritage abhorré. Quant à sa silhouette, à laquelle manquait sans doute un peu de grâce et de féminité, il n’y avait pas grand-chose à en dire ; mais cette banalité même, cette fadeur, permettaient que l’attention tout entière fût livrée aux deux prunelles de glace qui introduisaient dans son visage une surprenante asymétrie. Des prunelles étranges, coupantes, dont le regard hétérochrome accentuait encore le malaise de ses interlocuteurs

Deux nouveaux amis

Un jeune félin au regard ambré, de stature riche et déjà bien charpentée, s’avançait très dignement, drapé dans sa robe orangée dont le poil fin, lisse et tendre au toucher, soulignait la robustesse de ses membres et lui composait un habit soyeux. A ses côtés se tenait un chat de carrure sensiblement plus ramassée ; son pelage court et bien fourni s’agrémentait de marbrures semblables à celles de son compagnon, mais en version noir et blanc

Sitôt après avoir aperçu Mimosa, les deux félins, qui n’avaient en commun que le dessin de leur pelage, ont échangé un regard admiratif :

– Tu as vu cette belle chatte noire ? glisse Cookie à son frère.
– Magnifique ! Et quel regard… ! On dirait deux éclats de soleil ! Elle doit avoir à peu près notre âge, répond Jasmin dans un souffle, un œil posé sur Cookie, de l’autre suivant la belle qui s’était laissé couler du banc et traversait nonchalamment la rue

La maison d’Aladin

Tout en bavardant, le trio avait fini par dénicher un portail en fer forgé reliant deux piliers couronnés de pensées bleues. Chaque vantail s’ornait d’un demi-cœur ouvragé, donnant à voir aux visiteurs un cœur entier lorsque les deux battants se trouvaient encore fermés. La colonne de droite portait une plaque où, peint de blanc sur fond bleu, figurait le tant espéré numéro treize.

– Ah ! Je crois que nous y sommes, jeta Mimosa, mais dites-moi les amis, cet endroit n’est-il pas ravissant !?


Une évacuation forcée

Les rongeurs se sont arrêtés net. Leur frayeur est immense, qui tétanise leurs pattes flageolantes, dévore leurs cœurs affolés et leurs yeux éblouis. Mimosa, loin d’être impressionnée, à sa queue dressée en point d’exclamation imprime un gonflant tout à fait prodigieux. Souveraine, elle passe devant Monsieur et Madame Poutzon, statufiés sur leur paillasson, tourne la tête, et tout en prodiguant force encouragements à ses protégées darde sur les concierges un regard impérieux

Or le neveu de Grignote, âgé d’un mois à peine, avait également écouté ses envies avec plus d’attention que la consigne donnée par Mimosa, et répétée à l’envi par ses parents. Son frêle organisme fut si promptement et cruellement affecté par le poison que déjà le souriceau se trouvait à l’article de la mort lorsque Aladin retrouva les indications de Merlin pour la préparation d’un antidote. La lutte contre la montre fut dès lors l’affaire de tous : félins et rongeurs unirent leurs efforts pour rassembler les ingrédients nécessaires à l’élaboration de cette potion magistrale. Aladin coordonna la mission presque aussi bien que l’eût fait son frère ; sans une parole de trop, sans un geste qui ne fût celui que l’on attendait, bien conscient de l’enjeu et des conséquences qu’une erreur pouvait entraîner, chacun volait vers la tâche qui lui avait été attribuée : les uns cherchaient une herbette, une fiole, une pipette ou un alambic, les autres se mettaient en quête d’une hache, allaient couper du bois dont ils chargeaient le poêle destiné à chauffer le contenu d’une marmite.

Las ! Lorsque l’antidote fut enfin sorti de l’éprouvette, il ne s’en trouva pas en suffisance pour traiter les deux souris… laquelle fallait-il donc sauver ? Laquelle allait-on devoir condamner ? L’existence a parfois le mauvais goût de vous mettre face à des choix impossibles ! Et celui-ci en était un !

– Sauvez le petit ! Il… il lui reste plus
d’années à à à.. vivre que m-m-moi, hoquetait la pauvre Grignote dans un suprême élan du cœur.
– Oui, sauvez mon enfant, sauvez mon Titou !
hurlait sa mère, cependant que déchirée entre son amour maternel et celui qu’elle portait à sa sœur.

Des amours contrariées

Aladin, Cookie et Jasmin n’avaient pas manqué de lui faire toutes sortes de recommandations ; et les deux frères, secrètement amoureux de cette beauté d’ébène sur le berceau de laquelle toutes les bonnes fées s’étaient penchées, avaient les yeux embus de larmes lorsqu’ils lui firent leurs adieux devant le Pont de l’Avenir. Afin de mieux goûter ces derniers instants passés ensemble, les trois amis se sont assis sur la berge, ont contemplé la course de l’eau dont les reflets dorés dansaient sous l’arche du pont. Et par leur doux murmure, leurs mouvements hypnotiques, ces flots nonchalants où trempait la ramée d’un saule parvinrent à les détacher de leurs inquiétudes. 

De l’autre rive, Mimosa leur adressa un dernier encouragement :

– Au revoir Cookie ! au revoir Jasmin ! Ne vous en faites pas, tout se passera bien !
– Oui, nous l’espérons, reviens-nous vite Mimosa, a répondu Cookie, sa tête et ses grands yeux réséda discrètement fléchis. Son frère, lui, contenait ses émotions sous une apparence tranquille ; seul son corps, un peu plus roide qu’à l’accoutumée, trahissait une tension tout intérieure.


Au seuil de la mort 

Deux assistants étaient maintenant venus prêter main forte au Docteur Sakapou : le premier maintenait fermement les flancs argentés de Moumousse dont l’effroi avait couché la dentelle de ses oreilles et réduit l’iris de ses pupilles à un improbable halo d’émeraude. La seconde assistante, une femme d’âge mûr au caractère filandreux - qui se targuait « d’en avoir déjà vu d’autres » lorsqu’elle racontait ces tristes événements à ses copines dont certaines semblaient friandes -, lui rasait prestement sa patte antérieure droite afin de dégager un accès veineux. Son attitude, à l’évidence, n’accusait pas la moindre compassion. Pendant ce temps, Sakapou, tournant résolument son dos trapu à la porte vitrée, préparait l’injection létale. Il éleva la seringue en la plaçant devant la fenêtre, lui administra une ou deux chiquenaudes ; et pour vérifier qu’aucune bulle d’air ne s’y était introduite, il appuya sur l’embout du piston jusqu’à ce que quelques gouttes de ce liquide mortel perlent à la pointe de l’aiguille.

– Au secours Mimosa ! Fais quelque chose !!!


Au clair de lune 

De soir en soir le "D" de la lune avait crû, jusqu’à devenir cette sphère énigmatique qui versait son lait sur la campagne assoupie. Seuls la chouette et le grillon veillaient encore sur la maisonnette de feu Madame Violette. Ah ! mais j’allais oublier ces deux félins murmurant sous l’arche d’un sureau, assis sur les pierres encore chaudes du vieux muret presque entièrement recouvert de lichens. Le plus clair d’entre les deux, sur lequel l’astre lunaire allumait des reflets opalins, semblait chuchoter quelque chose à celui que l’on distinguait à peine tant sa robe se fondait dans la nuit :

– J’espère qu’ils n’auront pas eu d’empêchement, s’inquiétait le chat noir.


Voyage dans le Midi

Lorsqu’ils étaient descendus dans le Midi, Madame Deschamps avait délibérément renoncé à emprunter l’autoroute afin que les siens pussent contempler ce si beau pays. Ainsi fractionné, le voyage leur avait permis de passer une nuit dans un sympathique hôtel bâti sur une presqu’île de la Sauvageonne, une rivière dont le courant berçait de longues algues verdies par le soleil. Sur la terrasse de cet établissement, la famille avait été servie par un personnel dont l’accent chantant égayait beaucoup les enfants.

D’humeur fanfaronne, Romarin s’était mis à parodier le serveur :
– Un chèvr-eu chaud pour la petit-eu demoiselle.
– Et un grat-éin de moules pour le jeune homme, repartit sa cousine.

Madame Deschamps les avaient promptement réprimandés :
– Romarin, Fleur-de-Lin, cessez d’imiter ces gens, ils vont croire qu’on se moque d’eux !
– Mais quoi ! les enfants ne font rien de mal ! s’irrita sa cadette.
– Les vacances ne doivent pas éclipser le savoir-vivre en ruinant les acquis d’une bonne éducation par des attitudes dangereusement permissives !
– Mais oui, c’est cela ! Ce n'est pas une raison pour réprimander Romarin en même temps que Fleur-de-Lin ; si tu veux chapitrer ta fille à tout bout de champ, laisse-moi éduquer mon fils comme je l’entends ! Et oublie donc un peu la cour et son prétoire ! Tes expressions sont si précieuses, si pontifiantes, qu’elles en deviennent franchement agaçantes !


Une vie de château 

Au sortir du bois ils aperçurent les premiers pans d’un château, qui, sur le ciel d’un bleu profond, dressait sa fierté toute minérale. Son étendard, éclatant d’or, claquait au vent. Au flanc de ses tourelles coiffées de toits en éteignoir, s’accrochaient le lierre, l’aristoloche et le berceau de la Vierge ; et ses ponts dormants, et ses cours intérieures, tout de grès rouge, de murets crénelés, de fontaines et de plantes médicinales, semblaient bruisser encore des robes de la  noblesse, résonner du pas de ses chevaux. Majestueux et farouche, le bâtiment surplombait des pentes tapissées de bruyère et de menthe qui couraient entre des rocs sauvages.

Ils parvinrent à la grille du castel en même temps que l’affreux Léon. Le fermier avait d’ailleurs déjà passé sa colère sur l’accélérateur, la boîte à vitesses et les freins de sa bétaillère, hors de laquelle il bondit en aboyant force jurons… 

Une promenade pour le moins déroutante

– Et ce monstre là ! Qu’est-ce que c’est !? cria Madame Deschamps
– Chut, pas si fort ! il est peut-être maléfique ! chuchota sa sœur sur un ton contenu mais empli de la fermeté que lui commandaient ses craintes.

Et les cinq humains, alarmés, de se presser les uns contre les autres.
 
Arrimé à la petite aiguille d’une horloge, un schmoll tentait d’en contrarier le mécanisme, persuadé que cet épuisant et périlleux exercice ralentirait le temps, et, par là-même, retarderait son vieillissement. Un cadran solaire était naguère installé dans cette clairière particulièrement bien exposée mais Chronophobe – tel était son nom – avait planté sa tente juste en face de ce dispositif à seul dessein de lui faire de l’ombre…

Au cœur de la forêt des orages et des enchantements

Mais en dépit des commentaires exaspérés d’Aubépine Deschamps, tout le monde régla son pas sur celui de Mimosa. Que leur restait-il à perdre, eux qui étaient déjà tous perdus !? Le soleil de septembre plaquait des ombres nettes contre le sol où plongeaient nerveusement les racines des arbres géants ; et les hêtres, d’un vert tirant déjà sur le jaune, catapultaient quelques faines dont les cupules hérissées craquetaient sous la semelle. Sur le qui-vive, leur tête se tournant craintivement de droite et de gauche, nos humains ne remarquaient ni la sorbe orangée dont les billes flamboyaient sur la mousse, ni l’élégant machaon, qui, suivant la mode ayant cours en ces lieux, sirotait à la paille les derniers sucs de l’angélique en fleur. Pour sa part, Mimosa avait hâte de retrouver la chaumine de Merlin avant que la nuit ne tombât tout à fait sur cette forêt profonde. Car il y ferait déjà bien froid lorsque les derniers rayons du soleil, léchant la partie supérieure des troncs immenses, ne perceraient plus l’épaisse ramure du sous-bois, et qu’eux seraient alors plongés dans l’ombre.

« C’est quand même bizarre, se dit la jeune chatte, cela fait un bon moment qu’on marche dans ces bois, mais mis à part ce schmoll, nous n’avons encore croisé ni gnome ni animal. Où sont-ils donc tous passés !? »
– Oh ! misère ! Un mille-pattes géant ! crie Madame du Sous-Bois.
– Où ça, où ça ?
– Là, là, par terre, juste derrière toi, répond grand-mère en pointant son index dans la direction de sa fille cadette.

Aneth Dujardin, à peine remise de ses émotions, se retourne comme si le diable était à ses trousses.
– Ah ! Au secours ! Il est monstrueux ! et vous avez vu ses yeux rouges !? rouges comme du sang. Pourquoi est-ce toujours
à moi qu’arrivent ces choses-là ? M’enfin, qu’est-ce qu’on est venus faire ici !? C’est la faute à Mimosa, c’est elle qui nous a entraînés dans cette maudite forêt !
– C’est pas vrai, c’est pas sa faute ! Elle est gentille et elle veut sûrement nous montrer quelque chose !
– Des monstres, qui vont donner une crise cardiaque à ta grand-mère, voilà ce qu’elle nous montre ! dit Madame Dujardin, tétanisée par le regard du myriapode, qui semblait une paire de chatoyantes escarboucles piquées dans la perle d’onyx qu’était sa tête vernie de noir.

Mais contrairement à son cousin africain, le gros mille-pattes au corps segmenté était bien inoffensif. De nature herbivore et souffrant d’un problème locomoteur, il n’avait guère de quoi épouvanter les humains. Le bien nommé Patatras coordonnait en effet si mal ses mouvements, saccadés comme s’ils étaient produits par une mécanique imparfaite, qu’il chutait fréquemment. Sa démarche quant à elle contrariait toute idée d’ordre par des zigzags imprévus qui précipitaient le malheureux au-devant de bien des obstacles.

– Scritch-scroutch scritch-scroutch-scroutch, faisait le mille-pattes, du moins c’est ce qu’entendaient les humains… en réalité, il disait « Oh la la ! Je suis en retard, qu’est-ce que je suis en retard, je ne vais jamais y arriver ! »
– Mais où vas-tu donc ? lui a demandé Mimosa.
– Au mariage, voyons, au mariage, a reparti Patatras, tout énervé.


Les noces

Dans le jour pâlissant et le vacillement rougeâtre des cinq cents lumignons que la volonté du roi avait étagés de tronc en tronc, d’arbre en arbre, de buisson en buisson, et allumés ce soir-là, ce sont trois musiciens coiffés de rouge, qui à la flûte, qui au violon et à la contrebasse, ont attaqué la bien connue "valse du gnome heureux" ; puis ce sont les mariés, qui sous une pluie d’étoiles et de murmures admiratifs ont ouvert le bal. A l’heure où je vous parle, la fête bat son plein, nouant et dénouant les couples : les petits mollets se cambrent, les tailles s’abandonnent, les robes tournoient et les rayons de lune, comme ruisselets d’argent, allument le satin ramagé des pourpoints et des corsages de reflets chatoyants. Et ce n’est pas le moindre divertissement que d’observer ces tenues, d’un vert tilleul, d’un bleu d’iris, d’un lilas tendre ou gris de lin, froufrouter dans cette fête fabuleuse qu’on dirait d’un conte de fées…

Une détermination à toute épreuve

Mimosa hocha la tête en guise de réponse puis, profitant d’un arrivage d’humains, pénétra dans le bâtiment par deux portes automatiques que séparait un sas. C’était un autre monde que ce monde-là ! Des malades, seuls ou accompagnés de quelque proche, d’aucuns asservis à leur statif, d’autres à leur chaise roulante, déambulaient dans un espace immense. La jeune chatte était impressionnée : en face d’elle se trouvaient les admissions ; à sa droite, un kiosque, une cafétéria, et même une poste et une banque ! Un peu plus loin, sur la gauche, l’échoppe d’une fleuriste côtoyait celle d’un coiffeur.
« Oh la la ! Cet hôpital est une ville ! Comment y trouver la chambre de Monsieur Deschamps !? » Une autre qu’elle eût ajouté « C’est impossible » ! mais ce mot ne faisait pas partie du vocabulaire de Mimosa ; « creuser un petit étang sans chercher la lune et penser qu’elle finirait par s’y inviter » était un proverbe qui correspondait parfaitement à son caractère optimiste. Obéissant à l’un de ses élans primesautiers qui la rendait si attachante, elle s’est avancée vers la réception. La rose toujours plantée entre ses dents, elle a ramassé son corps musclé, puis d’une détente puissante ne trahissant pas la moindre hésitation, a bondi sur le comptoir, aérienne, vaporeuse, pareille à un nuage d’où filtraient deux rayons de soleil, et d’une allure que n’eût pas désavoué la plus belle des princesses indiennes. Les regards sidérés des réceptionnistes ont instantanément convergé en direction de cette apparition baroque ; car la belle chatte noire appartenait à ce petit nombre d’êtres qui vous ensorcellent au passage, et qui lorsqu’ils se trouvent quelque part, forment aussitôt un point lumineux où vont toutes les attentions.

Madame Maria-Neves do Eldorado de Confit de Bacalhau, une réceptionniste dont l’expérience se devinait à sa mine assurée, sa chevelure poivre et sel et son badge anthracite, brisa le silence :

Pacte et confidences

– Les enfants, voulez-vous un bon chocolat chaud avant d’aller dormir ? leur demanda tante Aneth.
– Oui ! Oui ! Un chocolat chaud ! Merci ma tante, répondit poliment Fleur-de-Lin, qui, en compagnie de l’inséparable Mimosa, passait la soirée chez son cousin.
– Oui, merci maman, enchaîna Romarin, avec une pointe de cannelle pour moi s’il te plaît !
– Moi aussi, avec une pointe de cannelle !

Les deux tasses fumantes, posées sur une table basse, exhalaient un subtil arôme de cacao à l’ancienne. Dans cette vaste chambre tendue de papier mandarine, les petits meubles en osier, tapis moelleux, livres et jeux de société, étaient à l’honneur. Assis à même le sol, les enfants parlèrent longuement du rendez-vous d’Aubépine avant de se décider à jouer aux échecs, Romarin se faisant fors d’enseigner les rudiments de ce jeu à sa cousine. Mimosa, quant à elle en apparence assoupie, suivait attentivement la partie d’entre ses paupières mi-closes. 

Il ne restait plus que quelques pièces sur l’échiquier lorsque Fleur-de-Lin interrompit le jeu :
– Je voudrais te demander quelque chose, dit-elle incidemment.
– Oui ?
– Ca fait bien longtemps que je n’ai pas vu mon parrain, je medemande pourquoi.
– Oh tu sais ! Depuis que mon père s’est remarié, les rapports familiaux se sont compliqués ! Ce n’est pas parce qu’il ne veut pas te voir, mais nos mères sont tellement fâchées contre lui qu’elles s’y opposeraient certainement !
– Que c’est donc bête ces histoires de grandes personnes !
– Oui, très bête !
– Tu crois qu’on sera aussi bêtes qu’eux quand on sera grands !?
– Sûrement pas ! Vois comme nous sommes déjà intelligents pour notre âge, répond le cousin en clignant de l’œil.
– Et comment ça se passe avec la nouvelle femme de ton père quand tu leur rends visite ?
– Bof ! Ca va ! Mi Li Chen est plutôt gentille. Disons qu’elle essaie de s’adapter à la situation ; mais elle montre un peu trop que son fils passe avant moi.
– Ah bon !? Qu’est-ce qu’elle fait ?
– Oh ! Si je me dispute avec lui, elle prend très souvent la défense de son Rayan-Brayan, qu’elle surnomme RB – ça fait plus chic tu comprends -, ajoute Romarin avec une mimique désopilante. Et lorsqu’il fait des plaisanteries débiles, elle les trouve toujours "poilantes" – c’est son expression favorite -. Elle dit « ah ! Qu’est-ce qu’il est poilant mon fils ! RB, raconte-nous-en une autre ! »

Déchaîné, le cousin se faisait un plaisir de parodier sa marâtre.

Françoise Gürtner - Les aventures de Mimosa Tome 2
Extraits Tome 3

Blanche et le souffle du vent

Au manège, il y avait Pepito, Reine-des-Prés, Ouragan, Me Voilà, Belle-de-Cassis, Triple Crown, dit TC, … et puis il y avait Blanche d’Ombreval, qu’enviaient toutes les autres filles parce qu’elle montait ses propres chevaux. Il faut dire qu’elle en possédait plusieurs… mais que son favori, un petit Islandais de couleur isabelle, lui faisait toucher le ciel en l’enlevant au gré de ses cinq allures naturelles : le pas, le trot, le galop, le tölt, mais surtout l’amble volant. Lorsqu’elle était sur son dos, Blanche parvenait à tout oublier, et même, parfois, la disparition de sa pauvre mère de qui lui venaient ce teint d’albâtre, ces cheveux d’ébène, cette paire de sourcils parfaitement dessinés et cette haie de cils gracieusement recourbés qui ombrageait deux prunelles aussi noires que des cerises...

Une croisière chantante

Dès potron-jacquet, Couscous, Moumousse et Artémis avaient quitté le château ; ils étaient descendus le long de cette colline
flanquée de rocs sauvages, au point de rosée avaient suivi les berges de la Savoureuse qui se hâtait paisiblement jusqu’à se fondre dans les roselières du lac Adamante. Fraîche et joyeuse, l’onde frémissait en courant sur les cailloux, contournait quelques îlots sauvages encore tapis dans la pénombre ; et dans le gris du jour, çà et là s’étiraient de petites plages limoneuses encore tout endormies. Les mousses, elles qui des arbres en recouvraient ordinairement le pied, ici les habillaient tout entiers tant l’atmosphère était saturée d’humidité. Peu à peu les oiseaux s’éveillaient, et tout ce feuillage, et toute cette ramée qui les entouraient, respiraient avec douceur.

Artémis souffrant d’une fatigue inhabituelle, le trio s’était octroyé de fréquentes haltes. En fin de matinée, la jeune chatte se plaignait que le chemin lui parût interminable.
- Je n’en peux plus, disait-elle, est-ce qu’on arrive bientôt !?
Et le ventripotent Couscous, épuisé par la digestion de son plantureux petit-déjeuner, de lui faire écho :
- Oui, moi aussi je suis fatigué, où sommes-nous mon frère, le sais-tu ?
- Ah mais je t’avais pourtant bien dit de ne pas manger autant avant de faire cette marche ! répliqua Moumousse ; mais rassurez-vous, l’élargissement de la rivière semble indiquer que nous arriverons bientôt à son embouchure. Par ailleurs, les sous-bois qui vont s’éclaircissant annoncent probablement un dégagement sur une plaine.
- Puisses-tu dire vrai ! a soupiré Artémis.
...

Une étonnante balade à cheval

Dans une niche formée par une roche de basalte qui surplombait l’autre versant du chemin, les enfants aperçurent deux sorcières accroupies. Vraisemblablement sœurs jumelles, l’une était chapeautée de rouge, l’autre de vert, et elles ricanaient, et elles se frottaient les mains tout en regardant le ciel. En vérité, l’aînée des jumelles s’appelait Mouille-Bouche, la puînée, elle, se prénommait Moche-Bouille car elle était aussi laide que faire se peut, plus encore que sa sœur, et que sa naissance avait effrayé toute la famille. Au fur et à mesure qu’elles avaient grandi, leurs grand-mères et leurs grands-pères avaient tricoté des bonnets rouges pour la première, verts pour la seconde. A l’adolescence, les jumelles eurent enfin la permission de troquer ces couvre-chefs contre d’authentiques chapeaux de sorcière, pointus et à large bord ; mais chacune avait tenu à garder sa couleur. Elles conservèrent toutefois les sobriquets qui par euphonie, et pour simplifier les conversations, leur avaient été donnés par les habitants de la forêt. 

Pendant ce temps, un vent fraîchement levé poussait devant lui tous ces nuages bedonnants et portait les incantations latines des deux sorcières jusqu’aux oreilles de Blanche et Fleur-de-Lin :
- Asinus asinum fricat ! a lancé Bonnet rouge.
Les nuages, aussitôt, ont épousé la forme de deux ânes se frottant l’un contre l’autre.
Bonnet vert, découvrant son unique incisive, cuivrée comme celle d’un rongeur, jette un regard coulissant vers sa sœur en chevrotant une autre formule magique : ...

Françoise Gürtner - Les aventures de Mimosa Tome 2

Françoise Gürtner

Née dans les environs de Lausanne en 1955, Françoise Gürtner a presque toujours vécu dans cette ville où elle a fréquenté le gymnase de la Cité puis les bancs de la Faculté de lettres pendant quelque temps. Pour des raisons personnelles et familiales, elle a par la suite donné une nouvelle orientation à son avenir professionnel en s’investissant dans le domaine médical au sein du service de pédiatrie du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois où elle travaille depuis de nombreuses années. Sa fille, aujourd’hui enseignante, est née en 1981. Françoise Gürtner écrit depuis «toujours» (poésies, histoires brèves) et a entrepris la rédaction des Aventures de Mimosa en 2006, après le décès d’une chatte aussi noire que merveilleuse dont la personnalité correspondait en tous points à celle que décrivent ses aventures. Ces deux ouvrages, qui s’articulent autour d’une écriture riche et dense, proposent de nombreuses pistes de réflexion. Equitation, danse et chant choral ont à tour de rôle dessiné le paysage sportif et artistique de notre auteur ; mais ce que Françoise Gürtner affectionne par-dessus tout, c’est de courir prés et forêts en compagnie de ses petits-enfants et de son chien de berger, afin que sa plume, longtemps encore, s’y abreuve du souffle des vents, du murmure des rivières et de l’eau des fontaines…

Commander

lesaventuresdemimosa@gmail.com